Les techniques des acheteurs
La carotte et la bâton
L’usage de la « carotte » et du « bâton » peut s’interpréter de trois façons différentes :
- Timide
L’acheteur n’ose pas avouer au vendeur son manque d’intérêt pour le produit. Il se trouve un pseudo-coupable, invisible et inattaquable (une direction financière avare, une trésorerie défaillante, etc.), auquel il fera porter la responsabilité du refus de l’offre. - Habile
L’acheteur entend obtenir une remise substantielle ; pour se mettre à l’abri d’une négociation laborieuse, il évoque son intérêt pour le produit et déclare ne disposer en tout et pour tout que d’une somme équivalant au prix du produit diminué de la remise espérée. - Sincère
L’acheteur souhaiterait véritablement se porter acquéreur du produit. Malheureusement, ses ressources financières réellement insuffisantes l’empêchent de réaliser la transaction.
Exemple
- « Cela me plaît beaucoup, c’est exactement ce qu’il nous faut. » (Il s’agit de la carotte), « Mais je suis embarrassé, car je ne dispose que de X euros et pas un centime de plus. » (Voilà le bâton).
- « Votre proposition correspond tout à fait à nos besoins. » (Il s’agit de la carotte), « Malheureusement, notre budget est quasiment épuisé et ne nous permet pas de commander votre produit. » (Voilà le bâton).
- « X euros pour la réalisation de cette maquette, cela me semble correct compte tenu du travail à effectuer. » (Il s’agit de la carotte), « Seulement ma direction, financière ne m’a alloué qu’un budget maximal de Y euros. » (Voilà le bâton).
La riposte
Confronté à la « carotte » et au « bâton », le vendeur ne dispose que d’un seul moyen pour savoir si l’acheteur est sincère et si les contraintes financières qu’il invoque sont réelles.
Ce moyen : se battre, défendre ses prix, argumenter encore et encore et ne concéder la remise qu’en dernière limite (si ses marges l’y autorisent).
- La justification du prix
Pour convaincre le prospect, si besoin était, de la justesse de ses tarifs et/ou pour administrer la preuve irréfutable de la qualité du produit, du sérieux de la prestation, du retour sur investissement et autres avantages. - Le consensus
On utilisera des solutions de financement. Dans bien des cas, un leasing, un crédit ou une simple facilité de paiement peut venir à bout du plus irréductible des acheteurs. - Les accélérateurs de décision
Les accélérateurs de décision peuvent contribuer à décider le prospect. Ce sont tous ces avantages privilégiés, ces faveurs commerciales accordées, à titre exceptionnel, destinés à emporter son adhésion définitive. En réalité, il ne s’agit que de concessions mineures, qui donnent à l’acheteur (par leur caractère « personnalisé ») le sentiment de bénéficier d’un privilège.- Un accélérateur de décision peut être :
- La garantie de « satisfaction ou remboursement » ;
- x semaines d’essai à titre gratuit ;
- x % de produit en prime ;
- x heures de conseils non facturées ;
- etc...
Exemple
- L’acheteur : « Ce stage de formation aux Techniques de Vente nous intéresse. Malheureusement, nous avons 7 commerciaux à former avec un budget de 9 000 €, alors que votre prix est de 1 500 € par stagiaire, soit un total de 10 500 €. »
- Le vendeur : « Comme je vous l’ai expliqué, le responsable de ce stage n’est pas un amateur, Martin Dupont a une expérience de plus de 15 ans de terrain et de plusieurs années de formation dans le domaine industriel. Or les émoluments de Monsieur Dupont sont à la hauteur de ses compétences. Et comme nos tarifs sont étudiés avec beaucoup de soin, une diminution de ceux-ci affecterait sérieusement la rentabilité de cette opération. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous n’avons pas vocation à perdre de l’argent (sourire). »
- L’acheteur : « Il n’empêche que mon problème reste le même : nous ne disposons que de 9 000 € et vous me demandez 10 500 €. »
- Le vendeur : « Monsieur Bonacheteur, vous désirez organiser ce stage et moi j’aimerais traiter avec vous, car j’ai la certitude que cette formation répond à vos attentes. Il nous faut absolument trouver un terrain d’entente. Pour vous prouver ma bonne volonté, je suis prêt à vous accorder un paiement échelonné sur 3 mois. »
- L’acheteur : « Vous êtes très aimable, mais cela ne résoudra pas le problème. Même avec un paiement étalé il me faudra débourser 10 500 € alors que mon budget pour cette formation est de 9 000 €. »
- Le vendeur : « Alors il nous reste une solution, qui je pense va vous satisfaire : nous n’avons qu’à retirer l’option château-hôtel et organiser le stage en toute simplicité, dans nos locaux. Cela nous permettra d’économiser 250 € par personne, donc de ramener l’enveloppe globale à 8 750 et de dispenser cette formation à vos 7 collaborateurs. »
L'ultimatum déguisé
Dans cette formule, l’acheteur ne masque plus son désir d’obtenir davantage de la part du vendeur. Mais l’astuce consiste pour lui à ne pas dévoiler de manière précise ses revendications, insinuant que l’accord est sur le point de se réaliser, à condition de baisser le prix sans indiquer dans quelles proportions. Ainsi l’acheteur peut obtenir une remise plus importante que celle qu’il envisageait.
Exemple
- « Il faudrait faire mieux. »
La riposte
On éprouve les réactions du prospect en concédant par exemple une très faible remise. Celui qui s’en contente révèle le caractère inconsistant de son objection. En revanche, si le léger avantage proposé soulève de sa part une contestation, dans la plupart des cas, il renseigne le vendeur sur ses attentes véritables.
Exemple
- L’acheteur : « 50 € la pièce ? Ça ne va pas aller. Il faut faire mieux ! » (Ultimatum déguisé).
- Le vendeur : « Pour vous faire plaisir, je veux bien descendre à 48 €. » (Concession mineure).
- L’acheteur : « C’est encore trop cher ! La société X me les vend 45 €. » (Désormais, le vendeur sait à quelle remise s’en tenir).
L'ultimatum
C’est le procédé le plus éprouvant pour le moral du vendeur qui se voit infliger, en guise de contre offre un véritable ultimatum.
Dans les domaines fortement concurrentiels, ce procédé pourra exercer une forte pression sur le vendeur, surtout si celui-ci n’apporte que peu de valeur ajoutée au produit (cas des sociétés purement commerciales).
Exemple
- X € pour ce produit ! Je vous en offre Y € et pas un centime de plus. C’est à prendre ou à laisser. »
- « Votre produit, je le connais, vos concurrents me proposent exactement le même. Tous m’accordent au moins 25% de remise pour que je passe commande. Alors je vais être honnête avec vous, je ne veux pas vous faire perdre votre temps ; je n’accepterai de traiter avec vous que si vous descendez à 30% de remise et pas moins. »
La riposte
Pour déceler le véritable mobile de l’acheteur qui brandit l’ultimatum, il convient d’appliquer la même riposte que pour le « bâton » et la « carotte » (justification, recherche du consensus sans remise, etc.).
Le rabioteur
Il consiste à réclamer une ultime faveur avant de rendre les armes. Pour l’acheteur, c’est l’occasion d’obtenir un bonus sans débourser le moindre sou. En réalité, il ne s’agit là que d’une finasserie d’acheteur qui essaie de convaincre le vendeur que son achat est subordonné à l’obtention d’un bonus ou d’un cadeau supplémentaire.
Exemple
- « Ce tableau me plaît bien. Je vous l’achète si vous m’offrez l’encadrement. »
- « D’accord pour vous prendre cet ordinateur si vous me faites cadeau de l’imprimante. »
La riposte
Vous pouvez choisir une attitude de fermeté inébranlable mais courtoise. Il est peu probable que la vente vous échappe ; à condition d’entourer votre refus de quelques formes, en fournissant de simples explications de principe.
Exemple
- L’acheteur : « Je suis d’accord pour vous confier les travaux de ce projet, à condition que vous me fassiez cadeau de la maquette de faisabilité. »
- Le vendeur : « Monsieur l’acheteur, j’aimerais sincèrement vous faire plaisir, mais croyez-moi, nos tarifs ont été étudiés au plus juste, pour nous permettre de couvrir nos charges en matériel, le salaire de nos ingénieurs, etc. J’aurai pu, comme le font certains de nos confrères, gonfler mes prix artificiellement de 5 % et vous offrir ensuite un cadeau d’une valeur équivalente, seulement, ces pratiques ne sont pas les nôtres. Dans votre intérêt et par honnêteté, nous nous efforçons d’appliquer les prix les plus jutes. »
Les enchères
Elle consiste à confronter ouvertement deux entreprises concurrentes et à faire descendre les enchères.
L’acheteur peut aussi confronter le vendeur à un concurrent imaginaire, inventé de toutes pièces et qui consentirait des remises toujours supérieures à celles du vrai vendeur. Lorsque le vendeur authentique ne peut plus surenchérir sur son rival fantôme, c’est qu’il a atteint sa remise maximale. C’est à ce moment que l’acheteur passe sa commande.
Exemple
- Le vendeur : « Je veux bien vous accorder 8 % de remise pour cet ordinateur, mais je ne peux pas faire mieux. »
- L’acheteur : « Ah bon ? Je ne comprends pas, la société Ordiplus m’accorde 10 % de remise sur le même produit. Vous savez, comme j’ai arrêté mon choix sur ce modèle, c’est avec celui qui m’offrira le meilleur prix que je ferai affaire. »
- Le vendeur : Un peu plus tard « Bon, à titre exceptionnel, ma direction vous accorde 12 % de remise. »
- L’acheteur : « J’en prends acte, je vous donne ma réponse rapidement... », un peu plus tard, « Allô !, la société Ordiplus ? Vous m’avez proposé 8 % de remise sur un ordinateur, je viens de consulter la société Compumark, qui m’a accordé 12 % de remise. Si vous m’offrez mieux, je le prends chez vous ».
La riposte
Il faut absolument se soustraire à cette tactique diabolique et éviter une guerre des prix en cherchant par tous les moyens à faire valoir sa différence (avantages pour le client).
Exemple
- L’acheteur : « La société Y me fait 20 % de remise sur ce même ordinateur. Et vous, que m’offrez-vous ? »
- Le vendeur : « Malheureusement, je ne peux vous offrir une telle remise, simplement parce que je ne fais pas le même métier que mes confrères de la société Y. » ... Argumentation du vendeur montrant en quoi sa société offre des plus (services, maintenance, qualité, etc.), avantages pour le client et conséquences dans le cas contraire ... « Chaque année, nous récupérons des centaines de clients mécontents, qui se mordent les doigts d’avoir cherché le fournisseur le moins cher. » ...
Le miroir aux alouettes
Cette tactique consiste à faire miroiter au vendeur la perspective d’une commande future, plus importante, pour légitimer une demande de remise.
Deux catégories d’acheteurs utilisent cette technique :
- Minoritaires - Les acheteurs sincères disposant d’un réel pouvoir d’achat, qu’ils destinent véritablement au vendeur. Pour en bénéficier, ce dernier devra réussir son examen de passage. Fournir un produit / service de qualité et s’acquitter d’un droit d’entrée, la remise.
- Majoritaires - Qu’il soit réel ou illusoire, le pouvoir d’achat de ces derniers n’est que poudre jetée aux yeux du vendeur, dans le seul but de le mystifier. Compression des prix, amputation des marges du vendeur, la vente se conclura au seul bénéfice de l’acheteur, qui ne récompensera jamais le sacrifice du vendeur.
Exemple
- « Vous savez, si votre ordinateur satisfait notre service informatique, ce sont les 50 agences du groupe qui vous l’achèteront. Alors vous pouvez nous faire un prix sur cette première commande. »
- « Minimisez au maximum le prix de réalisation de la maquette, comme cela, c’est vous que la direction technique retiendra. Et vous savez qu’ensuite, celui qui aura conçu la maquette sera le mieux placé pour décrocher la production et donc le budget global de ce projet. »
La riposte
Ne vous laissez jamais griser par la perspective d’une prochaine commande. Gardez la tête froide et concentrez-vous sur l’objet immédiat de la négociation. Un acheteur qui essaie de soutirer une remise en invoquant une future grosse commande, tentera d’en obtenir encore davantage le jour de la fameuse commande.
Une riposte particulièrement efficace consiste à exaucer la demande de remise du client, en lui précisant qu’elle ne sera déduite que sur la prochaine commande.
Le faux sous-fifre
Il est à 100 % un décideur, mais se garde bien de le dévoiler. Généralement, cet acheteur se fait passer pour un intermédiaire entre sa direction et le vendeur, ses supérieurs étant présentés comme les véritables acheteurs.
Souvent, considérant son vis-à-vis comme un intermédiaire sans réel pouvoir, le vendeur ne juge pas utile de développer ses arguments et ne s’en tient qu’à l’objection concernant le prix que lui a opposé la direction fantôme. Dès lors, le vendeur ne croira trouver son salut que dans sa seule capacité à consentir une remise supplémentaire.
Exemple
- Il peut retarder sa décision aussi longtemps qu’il le désire : « La direction n’a pas encore étudié votre offre. » ou « La direction attend d’autres propositions pour arrêter son choix. »
- Il peut réclamer au vendeur une diminution de ses prix, sans explication : « La direction trouve le prix trop élevé, de meilleures offres lui ont été soumises. »
- Il peut décliner l’offre sans en assumer personnellement la responsabilité ni subir la pression du vendeur : « La direction a retenu un autre dossier. Moi, j’étais favorable au vôtre, mais malheureusement ce n’est pas moi qui décide. »
La riposte
Lorsque l’on n'est pas certain de l’étendue des pouvoirs de son interlocuteur, il convient de le considérer, par défaut, comme un décideur à part entière. En toutes circonstances, le vendeur s’oblige au respect de cette règle incontournable de la vente. Ainsi, l’interlocuteur décideur qui se dissimule sous l’apparence commode du sous-fifre recevra quand même la totalité de l’argumentaire du vendeur.
Découvrir et rencontrer le(s) véritable(s) décideur(s) requiert de la part du vendeur à la fois de l’intuition, un bon esprit d’analyse et de la diplomatie. En effet, il lui faut se renseigner sur la nature exacte des pouvoirs de tel ou tel personnage de l’entreprise. Pour ce faire, il prendra soin de questionner son interlocuteur avec prudence et doigté.
Par exemple, toutes les questions du type : « Est-ce vous, le décideur sur cette affaire ? » sont à proscrire, car l’interlocuteur dénué de tout pouvoir pourrait, afin de sauvegarder son amour-propre, répondre : « Oui, c’est moi qui décide de tout. ». Le vendeur risque alors de prêcher dans le désert, laissant pendant ce temps les concurrents, plus habiles, s’adresser au(x) véritable(s) décideur(s).
Exemple
- Le vendeur : « Qui collabore avec vous dans les décisions pour cette affaire ? »
- L’acheteur : « Il y a également le responsable du réseau informatique, Monsieur Dupont »
- Le vendeur : « Vous qui connaissez bien Monsieur Dupont, pourriez-vous arranger un rendez-vous pour la semaine prochaine ? »
Cette dernière question permet au vendeur, non seulement de valoriser son interlocuteur, mais aussi de le transformer en un allié, puisqu’il va devoir se substituer au vendeur pour prendre rendez-vous avec son collègue. Par ailleurs, un prospect accepte plus facilement la demande d’un rendez-vous provenant d’un collègue, que d’un vendeur.
Synthèse - Techniques des acheteurs
La carotte et le bâton
Attitude acheteur
Timide (pas d’intérêt réel)
Habile (négociation)
Sincère (ne peut vraiment pas acheter)
Attitude vendeur
Justification des prix
Consensus (financement)
Accélérateur de décision (offre personnalisée, concession mineure)
Ultimatum déguisé
Attitude acheteur
Souhaite davantage (il faudrait faire mieux, sans préciser l’objectif)
Attitude vendeur
Faible remise pour tester la réaction
Ultimatum
Attitude acheteur
Contre offre précise de l’acheteur
Attitude vendeur
Justification des prix
Consensus (financement)
Accélérateur de décision (offre personnalisée, concession mineure)
Rabioteur
Attitude acheteur
Souhaite obtenir un petit plus
Attitude vendeur
Fermeté du vendeur
Les enchères
Attitude acheteur
Compare les offres pour faire descendre les prix aux plus bas
Attitude vendeur
Refus de rentrer dans ce jeu
Reprendre l’argumentation
Le miroir aux alouettes
Attitude acheteur
Fait rêver sur d’importants marchés dans le futur
Attitude vendeur
Refus du vendeur de tomber dans le piège
Le faux sous-fifre
Attitude acheteur
Il dit ne pas être le décideur
Attitude vendeur
Considérer et argumenter comme s'il était décideur
Prendre l’acheteur comme allié